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Journal d'un électeur lyonnais désabusé
16 juin 2007

Le réseau est sous contrôle

Ce matin je lis dans le gratuit « Lyon Plus » un article vantant la réussite de la mise en place des portillons permettant un « contrôle d'accès » au réseau métro et funiculaire. La légende accompagnant une photo vaut son pesant de propagande :

A sa création, en 1978, le métro lyonnais avait été conçu volontairement ouvert. Mais le Sytral a dû faire marche arrière

On apprécie le ton fataliste. Et oui, c'était une obligation, il n'y avait pas le choix, il fallait absolument mettre ces portillons. Et l'article de nous expliquer que grâce à ces portillons le taux de fraude dans le métro est passé de 12,7% à 6,5%. Sur l'ensemble du réseau, le taux de fraude est passé de 15% à 9% en deux ans.

Bel effort !

Et ça sert à quoi ?

Alors au café du commerce, bien sûr, tout le monde va dire Ben c'est très bien, c'est normal, on en a marre de payer pour les profiteurs, qu'ils payent aussi !

Sauf que... d'abord on parle du taux de fraude, pas du nombre d'usagers qui payent ! En effet, le taux de fraude est un chiffre trompeur parce que lorsque le grand public entend la phrase « le taux de fraude baisse », il pense immédiatement que ceux qui auparavant ne payaient pas leur billet se mettent à le payer. Pourtant, voici plusieurs scénarios (non-exclusifs) possibles pouvant expliquer une baisse du taux de fraude :

 

  1. Les fraudeurs restent fraudeurs, mais il y a davantage de voyageurs. La population de l'agglomération augmente, mais le nombre de fraudeurs reste le même. La taux de fraude diminue donc.
  2. Les abonnés effectuent plus de voyages. En effet, dans les transports en commun on ne parle pas en nombre d'usagers, mais en nombre de voyages. Dire que le taux de fraudes est de 10% ne signifie pas que 10% des usagers fraudent, mais que 10% des voyages sont effectués sans titre de transport. Dans ce scénario on imagine que les abonnés utilisent davantage les transports en commun qu'ils ne le faisaient il y a quelques années. Il y a toujours autant de voyages frauduleux, mais le nombre de voyages effectués par les abonnés augmente. Mathématiquement le taux de fraude baisse. Cela pourrait s'expliquer par exemple par une augmentation de la population en banlieue de Lyon, ou bien par des difficultés croissantes en terme de circulation automobile ou stationnement en ville. Cela peut aussi s'expliquer par l'augmentation des temps de trajet des usagers qui effectuent le trajet du domicile au lieu de travail. En effet le « voyage » ne correspond pas à un déplacement, mais à un trajet effectué avec un mode de transport unique. Si pour aller à votre travail vous prenez le bus, puis le tram, puis le métro, vous avez effectué 3 voyages.

  3. Les anciens fraudeurs ne se mettent pas à payer leur billet, mais n'utilisent plus les transports en commun. Désormais, l'ancien fraudeur va à pieds, ou en scooter, ou bien préfère utiliser sa voiture. Dans ce cas là aussi le taux de fraude diminue, cependant le gain en terme de recettes pour les TCL c'est zéro !

Lequel de ces scénarios est le bon ? Difficile de le dire, puisqu'il faudrait avoir accès à des chiffres qui ne sont pas forcément publiés par la SYTRAL. En tout cas, dans un document “TCL Chiffres clés 2004”, il est indiqué clairement qu'on est passé de 231 à 248 déplacements par habitant entre 2003 et 2004, le scénario 2 n'est donc pas forcément farfelu.


Quoiqu'il en soit, il ne faut surtout pas se laisser piéger par ces chiffres ou ces taux exprimés en pourcentage. Ils n'ont pas la moindre signification tant qu'on ne donne pas la définition de ce qui est pris en compte. Par exemple, si je dis « Hier, je n'ai mangé que le quart de mon dessert, et aujourd'hui j'en ai mangé la moitié », on peut croire que j'ai moins mangé hier qu'aujourd'hui. Sauf qu'hier mon dessert était un gros gateau au chocolat de 500g et aujourd'hui c'était une simple pomme.

Dans le même ordre d'idée, et pour en revenir à nos transports en commun, en 2005 quelques mois après le début de l'équipement des stations de métros en portillons automatiques, la SYTRAL avait publié un communiqué triomphant, largement repris par la presse locale, indiquant que dans les stations équipées de ces portillons, les ventes de tickets à l'unité dans les distributeurs automatiques augmentaient de 30% ! Je ne voudrais pas donner des leçons de maths d'un niveau de CE2, mais je voudrais quand même signaler à tous les journalistes serviles qui ont repris cette information que 130% de zéro, ça fait toujours zéro. Je veux dire par là que si un distributeur automatique qui vendait 3 tickets à l'unité chaque jour en vend désormais 4, il n'y a pas de quoi en faire un communiqué triomphant... Combien de tickets à l'unité sont-ils vendus dans ces machines ? Mystère, la SYTRAL garde ce chiffre jalousement secret. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les ventes de tickets (unité ou carnet de 10) représente 46% des recettes. Quelle part de ces 46% revient aux tickets à l'unité ? Impossible de le dire, mais vu la différence de prix entre le ticket à l'unité et le carnet de 10, je suppose que la vente à l'unité (hors autobus) doit être assez marginale.

 

Les chiffres TCL les plus récents rendus publics sont ceux de 2005, publiés dans le rapport annuel 2006. C'est en 2005 que l'installation des portillons automatiques « antifraudes » a commencée. Tous les chiffres que je vais citer sont ceux qui sont publiés soit dans ce rapport annuel, soit dans la brochure TCL Chiffres clés 2004.

Tout d'abord, que représentent la vente des titres de transport dans le budget des transports en commun ? Et bien pas grand chose. En 2005 les recettes du réseau TCL ont représenté 24% des recettes exploitation. Elles représentaient 25% en 2004 et en 2003...  En valeur absolue, les ventes de titres représentaient 121M€ en 2004 et 124M€ en 2005. Les recettes ont donc augmenté de 2,4% alors que le prix du carnet de tickets augmentait de 2,5% et celui de l'abonnement de 2,2%. Manifestement, les portillons automatiques ajoutés en 2005 n'ont pas changé grand chose en terme de recettes...

Plus surprenant, alors qu'il y aurait eu 290 millions de déplacements pour 58 millions de kilomètres parcourus en 2004, le rapport annuel indique que pour 2005 il n'y aurait eu que 182 millions de déplacements pour 47,5 millions de kilomètres ! En terme de voyages, il y avait en 2004 1,44 millions de voyages par jour, contre 1,39 en 2005 ! De telles baisses sont tout bonnement incroyables. Cela signifie soit que la mise en place de ces portillons s'est révélée être désatreuse, soit que les chiffres publiés sont volontairement rendus opaques et illisibles !

 

Les recettes « titres de transport » sont passées entre 2001 et 2005 de 104 à 124 millions d'euros. La recette cumulée sur cette période est de 566 millions d'euros. En 2001, l'ancien ticket de métro a été abandonné au profit de tickets magnétiques, de cartes électroniques, et donc de nouveaux composteurs. Cette petite plaisanterie avait coûté 45 millions d'euros. Les nouveaux composteurs du métro ont donc été mis à la poubelle, et en 2005 la SYTRAL a commencé à installer des portillons automatiques pour un coût total de 45 millions d'euros supplémentaires. L'équipement destiné à valider les titres de transport a donc coûté 90 millions, soit 16% des recettes !

À cela il faut ajouter les frais, car cela coûte cher de faire payer les gens ! Combiens coûtent les contrôleurs ? Mystère. Combien coûte la maintenance des portillons automatiques ? Le chiffre de 1 million par an a circulé. Combien coûtent les 11 agences commerciales ? Mystère ! Combien coûtent la gestion et les frais bancaise des paiement en carte bleue ? Mystère ! Combien coûte l'impression des tickets de métro ? Mystère ! Combien coûte l'entretien des distributeurs automatiques ? Mystère !

D'ailleurs, en ce qui concerne les distributeurs automatiques, il faut aussi y ajouter le prix de la licence Microsoft-Windows... Il y en avait 336 en 2004, ça doit représenter un petit paquet. On peut cependant se faire une idée de leur consommation électrique. Si on évalue la consommation de l'écran et du micro-ordinateur à 200 watts, sur l'année ces machines consomment :


336 x 200 x 24 x 365 = 588 MW/h !


Rien qu'en électricité, ces petites machines nous coûtent 60 000 euros chaque année...


En ce qui concerne les 11 agences commerciales qui servent à établir les cartes d'abonnement par exemple, c'est pareil, il est impossible d'en connaître le coût. On peut juste calculer rapidement qu'elles totalisent environ 18000 heures d'ouverture par an, et que 18000 heures au smic cela représente 150.000 euros. Mais la réalité doit être toute autre, puisque ces agences comportent plusieurs employés, et il faudrait également calculer les coûts immobiliers, les charges en électricité, téléphone etc.


N'oublions pas les frais de transaction : À chaque paiement par carte bleue, les banques ponctionnent entre 1 et 3% du montant de la transaction...

Et oui, cela coûte cher de faire payer les gens.

Et puis il y a un coût que les financiers ne peuvent pas évaluer dans les petites cases de leurs feuilles de calcul : c'est le coût humain. Un exemple : Les enfants de moins de 3 ans ne payent pas. Très bien, mais comment on fait pour ne pas payer avec des portillons ? Alors si vous possédez une de ces mini «poussettes cannes», vous arrivez à passer. C'est ric-rac, faut que les roues soient bien parallèles à la trajectoire, mais ça passe. Il faut aller vite pour pas se prendre la porte dans la tronche, mais ça passe. Par contre, si vous avez des jumeaux, oubliez les transports en commun, cela vous est interdit ! De même, votre premier enfant n'a pas encore 3 ans, et vous aviez prévu d'en avoir un autre ? Oubliez ! Ce qu'il y a de bien avec la sytral c'est qu'ils prennent même en charge votre planning familial.

Non, ces portillons ne font pas payer ceux qui fraudaient. Ils ne faut qu'exclure des gens du métro.

En 2005, la société privée Keolis qui exploite le réseau TCL a versé plus de 46 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires. L'exploitation du réseau TCL représente plus de 10% de l'activité de Keolis.


80% du financement du réseau TCL est de l'argent public.

C'est en 2004 que la mairie de Lyon, se présentant comme étant « de gauche », a confié l'exploitation du réseau à Keolis...

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